lundi 1 février 2016

II - Robert Badinter, successeur de Victor Hugo

1 - Biographie de Robert Badinter


      "La justice française ne peut plus être une justice qui tue."
                                                                                  - Interview dans "Le Monde" - 28 août 1981


Né le 30 mars 1928 à Paris, Robert Badinter est un homme politique français, membre du parti socialiste, il s'est illustré dans de nombreuses affaires en tant qu'avocat.
En 1981, il devient ministre de la justice et c'est à cette époque qu'il mène son combat contre la peine de mort et en obtiendra son abolition.
En 1986, sous la présidence de François Mitterrand, il est choisi en tant que président du conseil constitutionnel et réalise de nombreux projets de lois avec de dernier.
Sur le plan universitaire, Robert Badinter fut professeur de droit dans différentes facultés comme celles de Dijon, Besançon, ou encore Amiens. De 1995 à 2011, il est élu sénateur des Hauts-de-Seine.
En 2003, il est nommé pour siéger dans le Comité de seize personnalités internationales chargées de proposer une réforme de l'ONU.


2 - L'affaire Patrick Henry  

 Le 30 janvier 1976, le petit Philippe Bertrand, âgé de huit ans, est enlevé par un mystérieux malfaiteur à la sortie de son école. Ce dernier appelle les parents du garçonnet quelques minutes après son méfait pour leur réclamer une rançon d'un million de francs s'ils veulent revoir leur enfant vivant.

Patrick Henry, un ami de la famille clame son innocence et dans une interview télévisée, il a même le cynisme de déclarer que les ravisseurs d'enfants méritent la peine capitale. Un témoignage anonyme anonyme va alors considérablement aider les policiers dans leur enquête. En effet, ce mystérieux témoin va informer la police que Patrick Henry fréquente régulièrement une pension de famille à Troyes. Le 17 février 1976, ils apprennent en se rendant sur place que le jeune homme loue bien une chambre dans l'établissement mais qu'il se fait connaître sous un faux nom. En perquisitionnant l'appartement, les policiers découvrent un tapis roulé sous le lit. A l'intérieur se trouve malheureusement le corps du petit garçon. Le doute n'est plus permis, Patrick Henry est bel et bien le meurtrier de Philippe Bertrand.

Le propre père de Patrick Henry déclare dans une interview à la télévision que son fils ne mérite rien d'autre que le mort. Par ailleurs, la pression populaire est telle qu'aucun avocat n'accepte la défense du meurtrier, hormis Robert Boquillon. Ce dernier contacte alors Robert Badinter, ardent opposant à la peine de mort, afin de lui proposer de défendre l'accusé en sa compagnie. Le procès s'ouvre le 18 janvier 1977. Tandis que Robert Boquillon se charge de défendre Patrick Henry, Robert Badinter fait le procès de la peine de mort.

A l'heure actuelle, Patrick Henry, condamné à la perpétuité pour le meurtre d’un enfant en 1976, a obtenu sa libération conditionnelle, le 7 janvier 2016.
Il avait déjà bénéficié d’une première remise en liberté en 2002, avant d’être réincarcéré pour son implication dans un trafic de drogue. Le parquet envisage de faire appel.

3- Le discours d'un homme de droit



Robert Badinter, ministre de la justice, a présenté son  discours en 1981 devant l’Assemblée nationale dans lequel il a défendu un projet de loi visant à abolir la peine de mort en France. A travers ce discours Robert Badinter essaye de nous convaincre que la peine de mort n’est pas dissuasive et par conséquent qu’elle ne diminue pas le taux de criminalité en France. Effectivement il s’appuie sur des exemples concrets faisant appel à notre raison et non à nos sentiments.
Au cours de son discours, le garde des sceaux défend trois arguments principaux. Tout d’abord  il met en évidence la faillibilité de l’homme. Puis celle de la justice. Et fini par critiquer le hasard du verdict. Badinter parle d’une justice d’élimination.
Pour l’époque, penser à abolir la peine de mort est novateur. Pourtant dès novembre 1908 Jean Jaurès plaide lors d’une longue séance à la Chambre des députés en faveur de l’abolition de la peine de mort :"La peine de mort est contraire à ce que l'humanité depuis deux mille ans a pensé de plus haut et rêve de plus noble. Elle est contraire à la fois à l'esprit du christianisme et à l'esprit de la Révolution."
 En effet, l'opinion publique, dans sa majorité, n’était pas favorable à l'abolition. Les partisans de la peine de mort se défendent en évoquant la Loi du Talion qui consiste en la juste réciprocité du crime et de la peine, partageant l’idée de Joseph de Maistre, qui considère qu’une personne qui a tué mérite la mort, seule peine équitable. Cet argument sert pour Badinter à démontrer l’extrémité et l’ancienneté de la peine de mort ainsi que l’incohérence de cette Loi. Ce point de vue à été défendu par Hugo et Beccaria : « Que dit la loi ? Tu ne tueras pas ! Comment le dit-elle ? En tuant ! » dans son discours.
Adoptée par 363 voix contre 117  le 18 septembre, et promulguée le 9 octobre, cette loi fait « sortir [la France] de cette période qui l’avait mise au ban des grandes nations civilisées »,  selon Raymond Forni, le rapporteur du projet de loi sur l’abolition de la peine de mort. Grâce à son discours Robert Badinter a su convaincre non seulement l'assemblée mais a aussi renversé la doxa actuelle.

Pour consulter l'ensemble du discours :
http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-moments-d-eloquence/robert-badinter-l-abolition-de-la-peine-de-mort-17-septembre-1981


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