lundi 1 février 2016

Avant-propos

Sur ce blog, nous traiterons d'un sujet majeur qui a crée de nombreux débats : La peine de mort. De Victor Hugo à Robert Badinter, nous tenterons d'illustrer plus de deux siècles d'histoire. Et nous répondrons à la problématique suivante : En quoi la société française a-t-elle une influence sur la peine de mort et quelles en ont été les répercussions ?


Pour pouvoir accéder au premier article, veuillez vous référer à l'encadré des archives du blog au bas de la page.

Sommaire

I - Le combat d'un auteur engagé : Victor Hugo

1) Présentation de l'écrivain

2) Une lutte décisive

3) Une œuvre fictive et dénonciatrice

II - Robert Badinter, successeur de Victor Hugo

1) Biographie de Robert Badinter

2) Le discours d'un homme de droit

3) L'affaire Patrick Henry

III - L'abolition de la peine capitale

1) Des enjeux sociaux

2)  Un débat politique

3) Qu'en est-il aujourd'hui ?

Introduction






C'est à partir du XVIIIème siècle que la peine de mort a créé débat et a déclenché la naissance du courant abolitionniste au sein de la société française. De nombreux hommes ont participé à la promulgation de la loi n° 81-908 portant abolition de la peine capitale. C'est notamment le cas d'Albert Camus,Victor Hugo, auteur du roman Le Dernier Jour d'un condamné ; et Robert Badinter, avocat lors du procès de Patrick Henry et garde des sceaux lors de la défense du projet de loi marquant ainsi l'histoire grâce à son discours. Néanmoins, dans certains pays comme l'Inde, la Chine, une partie de l'Afrique et certains états de l'Amérique du nord, la peine de mort reste encore appliquée de différentes sortes toutes aussi barbares les unes que les autres.

I - Le combat d'un auteur engagé : Victor Hugo

1 -  Présentation de l'écrivain

Victor Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon, et mort le 22 mai 1885 à Paris, est un écrivain engagé dramaturge, poète, homme politique,et académicien français. Victor Hugo a fortement contribué au renouvellement de la poésie et du théâtre en tant que chef de file du mouvement romantique. 
Écrivain de génie, dès quinze ans il voit sa notoriété se transformer rapidement en célébrité. En remportant plusieurs concours, notamment le concours de l'Académie des jeux floraux de Toulouse. Il a aussi permis à de nombreuses générations de développer une réflexion sur l'engagement de l'écrivain dans la vie politique grâce à ses multiples combats qui le condamneront à l'exil en 1851. Durant cette période, il écrit Les Châtiments, qui reviennent sur son expulsion.

De 1826 à 1837, Victor Hugo fréquente beaucoup d'intellectuels et d'artistes, dont Berlioz ou Chateaubriand. Il multiplie également les  maîtresses, comme Juliette Drouet.
En 1827 paraît Cromwell qui, complété par Hernani en 1830, fait voler les conventions classiques et inaugure le drame romantique. C'est le début d'un affrontement littéraire majeur antre anciens et modernes... la fameuse « bataille d'Hernani ». Victor Hugo est élu à l'Académie Française en 1841 et Pair de France en 1845. Entre temps, il perd sa fille Léopoldine, morte noyée en 1843, d'où Demain dès l'aube un poème de son œuvre Les Contemplations et semble chercher dans la politique un apaisement à sa douleur. 

Sous la IIe République, il évolue du royalisme à la démocratie de manière progressive. Il n'en demeure pas moins fidèle, dans ses écrits, à ses idéaux de justice et de liberté, intervenant parfois publiquement à la Chambre des pairs ou ailleurs. Lors de la Révolution de 1848, Hugo est élu député, puis il soutient Louis-Napoléon Bonaparte avant de s'en détacher en 1849. De surcroît au fil des années, il devient foncièrement anticlérical et dénonce avec force l'obscurantisme.

Le poète devient le symbole de la lutte de la République contre l'Empire, prenant position en toute occasion, par voie de presse et dans ses œuvres en faveur d'une meilleure justice sociale, pour la paix et la liberté des peuples opprimés, contre la peine de mort... 


Comme l'illustrent ces œuvres : Mélancholia (1856), Les Misérables (1862), Notre Dame de Paris (1831), Le Dernier Jour d'un condamné (1829), etc...






2 - Une lutte décisive

Le premier de tous les combats de Victor Hugo, qui fut le plus long, le plus constant, le plus fervent, est sans doute celui qu’il mena contre la peine de mort. Dès son jeune âge, il est traumatisé par la barbarie et l'injustice des châtiments infligés aux délictueux. Ce trouble a été déclenché par la vision d’un condamné conduit à l’échafaud, sur une place de Burgos (Espagne) et par les préparatifs d'un bourreau dressant la guillotine en place de Grève (Paris). Il va tenter toute sa vie d’influencer l’opinion en décrivant l’horreur de l’exécution, sa barbarie, en démontrant l’injustice (les vrais coupables sont la misère et l’ignorance) et l’inefficacité du châtiment. 







 "L'homme de plume est un combattant."

Utilisant tour à tour sa notoriété d’écrivain et son statut d’homme politique, il met son éloquence au service de cette cause, à travers romans, poèmes, témoignages devant les tribunaux, plaidoiries, discours et votes à la Chambre des pairs, à l’Assemblée puis au Sénat, articles dans la presse européenne et lettres d’intervention en faveur de condamnés.


3 - Une œuvre fictive et dénonciatrice


Tout d'abord, Le Dernier Jour d'un condamné est un court récit dense et vif s'inspirant de la réalité de l'époque. L'histoire est inspirée de la monstruosité des scènes d'exécutions dont Victor Hugo fut spectateur. L'auteur relate la souffrance psychologique du condamné avant son exécution et la considère telle une échelle de torture. C'est-à-dire une gradation insupportable de l'angoisse et la peur vécues par le condamné. En effet, l'auteur nous plonge dans une terreur incessante et décuplée tout au long du récit qui amène le supplice d'une mort inéluctable ne prenant pas par surprise.
Le condamné est anonyme, nous n'avons que peu d'informations le concernant, ni son identité ni les raisons de sa condamnation ; Hugo ne nous décrira ni l'horreur de son crime ni sa vie d’antan.



 "Il n'y a pas meilleure arme que les mots pour changer le réel et peser sur demain."

Tout juste saurons-nous qu'il s'agit d'un jeune bourgeois, plutôt cultivé, et père d'une fillette de quatre ans. De cette manière, le narrateur nous montre l'universalité du condamné. Ainsi nous assistons à un phénomène d'identification, visant chaque personne à se sentir concernée face à cet acte. L’œuvre du narrateur est comparable à un journal intime : c'est un monologue intérieur. A travers le registre pathétique et un point de vue omniscient, l'auteur nous livre les pensées du condamné.





II - Robert Badinter, successeur de Victor Hugo

1 - Biographie de Robert Badinter


      "La justice française ne peut plus être une justice qui tue."
                                                                                  - Interview dans "Le Monde" - 28 août 1981


Né le 30 mars 1928 à Paris, Robert Badinter est un homme politique français, membre du parti socialiste, il s'est illustré dans de nombreuses affaires en tant qu'avocat.
En 1981, il devient ministre de la justice et c'est à cette époque qu'il mène son combat contre la peine de mort et en obtiendra son abolition.
En 1986, sous la présidence de François Mitterrand, il est choisi en tant que président du conseil constitutionnel et réalise de nombreux projets de lois avec de dernier.
Sur le plan universitaire, Robert Badinter fut professeur de droit dans différentes facultés comme celles de Dijon, Besançon, ou encore Amiens. De 1995 à 2011, il est élu sénateur des Hauts-de-Seine.
En 2003, il est nommé pour siéger dans le Comité de seize personnalités internationales chargées de proposer une réforme de l'ONU.


2 - L'affaire Patrick Henry  

 Le 30 janvier 1976, le petit Philippe Bertrand, âgé de huit ans, est enlevé par un mystérieux malfaiteur à la sortie de son école. Ce dernier appelle les parents du garçonnet quelques minutes après son méfait pour leur réclamer une rançon d'un million de francs s'ils veulent revoir leur enfant vivant.

Patrick Henry, un ami de la famille clame son innocence et dans une interview télévisée, il a même le cynisme de déclarer que les ravisseurs d'enfants méritent la peine capitale. Un témoignage anonyme anonyme va alors considérablement aider les policiers dans leur enquête. En effet, ce mystérieux témoin va informer la police que Patrick Henry fréquente régulièrement une pension de famille à Troyes. Le 17 février 1976, ils apprennent en se rendant sur place que le jeune homme loue bien une chambre dans l'établissement mais qu'il se fait connaître sous un faux nom. En perquisitionnant l'appartement, les policiers découvrent un tapis roulé sous le lit. A l'intérieur se trouve malheureusement le corps du petit garçon. Le doute n'est plus permis, Patrick Henry est bel et bien le meurtrier de Philippe Bertrand.

Le propre père de Patrick Henry déclare dans une interview à la télévision que son fils ne mérite rien d'autre que le mort. Par ailleurs, la pression populaire est telle qu'aucun avocat n'accepte la défense du meurtrier, hormis Robert Boquillon. Ce dernier contacte alors Robert Badinter, ardent opposant à la peine de mort, afin de lui proposer de défendre l'accusé en sa compagnie. Le procès s'ouvre le 18 janvier 1977. Tandis que Robert Boquillon se charge de défendre Patrick Henry, Robert Badinter fait le procès de la peine de mort.

A l'heure actuelle, Patrick Henry, condamné à la perpétuité pour le meurtre d’un enfant en 1976, a obtenu sa libération conditionnelle, le 7 janvier 2016.
Il avait déjà bénéficié d’une première remise en liberté en 2002, avant d’être réincarcéré pour son implication dans un trafic de drogue. Le parquet envisage de faire appel.

3- Le discours d'un homme de droit



Robert Badinter, ministre de la justice, a présenté son  discours en 1981 devant l’Assemblée nationale dans lequel il a défendu un projet de loi visant à abolir la peine de mort en France. A travers ce discours Robert Badinter essaye de nous convaincre que la peine de mort n’est pas dissuasive et par conséquent qu’elle ne diminue pas le taux de criminalité en France. Effectivement il s’appuie sur des exemples concrets faisant appel à notre raison et non à nos sentiments.
Au cours de son discours, le garde des sceaux défend trois arguments principaux. Tout d’abord  il met en évidence la faillibilité de l’homme. Puis celle de la justice. Et fini par critiquer le hasard du verdict. Badinter parle d’une justice d’élimination.
Pour l’époque, penser à abolir la peine de mort est novateur. Pourtant dès novembre 1908 Jean Jaurès plaide lors d’une longue séance à la Chambre des députés en faveur de l’abolition de la peine de mort :"La peine de mort est contraire à ce que l'humanité depuis deux mille ans a pensé de plus haut et rêve de plus noble. Elle est contraire à la fois à l'esprit du christianisme et à l'esprit de la Révolution."
 En effet, l'opinion publique, dans sa majorité, n’était pas favorable à l'abolition. Les partisans de la peine de mort se défendent en évoquant la Loi du Talion qui consiste en la juste réciprocité du crime et de la peine, partageant l’idée de Joseph de Maistre, qui considère qu’une personne qui a tué mérite la mort, seule peine équitable. Cet argument sert pour Badinter à démontrer l’extrémité et l’ancienneté de la peine de mort ainsi que l’incohérence de cette Loi. Ce point de vue à été défendu par Hugo et Beccaria : « Que dit la loi ? Tu ne tueras pas ! Comment le dit-elle ? En tuant ! » dans son discours.
Adoptée par 363 voix contre 117  le 18 septembre, et promulguée le 9 octobre, cette loi fait « sortir [la France] de cette période qui l’avait mise au ban des grandes nations civilisées »,  selon Raymond Forni, le rapporteur du projet de loi sur l’abolition de la peine de mort. Grâce à son discours Robert Badinter a su convaincre non seulement l'assemblée mais a aussi renversé la doxa actuelle.

Pour consulter l'ensemble du discours :
http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-moments-d-eloquence/robert-badinter-l-abolition-de-la-peine-de-mort-17-septembre-1981